Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, les autorités de l’Empire d’Angyalistan proposent, au-delà des éléments immédiatement indispensables à la gestion de la crise et du soutien nécessaire aux personnels soignants, un deuxième niveau de lecture destiné aux confinés que la maladie épargne : elles invitent à séparer l’avoir, à la source de la crise, de l’être, seule solution pérenne.
Face à la pandémie de Covid-19, les autorités impériales appellent en tout premier lieu leurs concitoyens à respecter les consignes données par les États traditionnels dont ils ont la co-nationalité, et à apporter leur soutien aux personnels soignants sur tous les continents. État transnational et global, l’Empire d’Angyalistan incite chacune et chacun, en particulier, à se plier aux impératifs de confinement, et à répondre à tout questionnement en l’analysant à l’aune de la dialectique suivante : ce qui me taraude sur le chemin de la supérette m’aidera-t-il davantage à être ou à avoir ?
Cette interrogation essentielle ne se pose pas que dans les conséquences confinées de la catastrophe du moment, où elle est simple à résoudre – faut-il sortir pour acquérir, pour avoir quelque chose (et a minima, le virus) ou rester chez soi pour continuer à être – et faire en sorte que les rencontres ainsi évitées bénéficient-elles aussi de ce désir d’être au lieu de pâtir du plaisir d’avoir ? Elle est l’écho sourd de la source-même de la crise ou plutôt des crises que le monde traverse, où la même épreuve trouve une mauvaise réponse depuis des siècles : est-il plus enrichissant d’être dans la nature ou d’avoir la nature ? Vaut-il mieux être l’ami du pangolin en le laissant vivre sa vie ou le bouffer tout cru dans le secret espoir d’avoir une virilité aussi solide que ses écailles ?
L’Angyalistan, pantopie poétique et quantique, œuvre totale et participative en mouvement perpétuel, a quelques éléments de réponse à donner.
« Que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s’il se détruisait et se perdait lui-même ? », demande Jésus (Luc 9, 24 25). Pour pouvoir parvenir au plus haut niveau de développement humain, nous ne devons pas être avides de posséder, explique le Bouddha.
Le monde que nous avons sous les yeux est dominé par la passion de l’avoir, concentré sur l’acquisition, la puissance matérielle, l’agressivité, le vol et l’exploitation ; conjuguée à l’individualisme des lumières et à l’oubli progressif de tout appétit pour la transcendance, cette passion pour la possession ne trouve d’issue que dans l’autoritarisme ou dans la guerre de tous contre tous, car tout est objectivable, tout ce qui est vivant est susceptible d’être objet. Elle se fourvoie dans un individualisme si friand de sa liberté et si fort de ses certitudes qu’il en oublie de faire société.
À la passion de l’avoir, l’être oppose l’action positive et le devenir, dans la joie de l’auto-réalisation, en cultivant l’amour, l’humilité, le respect de la vue et la recherche de l’objectivité, où le conflit et l’opposition ont cédé la place à la relation. Dans cette action tournée vers l’autre, tout ce qui est vivant est susceptible d’être sujet. L’autorité naît naturellement de la compétence partagée et de la confiance.
« C’est dans cette tradition que s’inscrit l’action impériale, avec le souci non pas d’avoir pour être, mais d’agir puisque nous avons à être », a déclaré Sa Majesté Impériale Olivier.
« Le territoire angyalistanais, l’horizon, nous est inaccessible : que fait l’horizon aux éléments qui y trempent – terre, air, eau ? Il les divise. Que fait l’horizon à ceux qui l’observent avec la distance nécessaire ? Il donne l’accès à la science parce qu’il définit, et à la poésie par ce qu’il donne à voir. L’Empire n’est pas un objet artistique ; il fait devenir ceux qui y prennent part leur propre œuvre d’art. L’interrogation que nous portons sur le sens de l’engagement citoyen à travers la contemplation de l’universelle diversité des horizons trouve bien là sa réponse. »
« Au désastre écologique et existentiel que proposent les veaux d’or de la société de l’avoir, préférons l’être, et semons l’amour et la poésie partout où nous le pourrons, les yeux tournés vers les horizons de nos accomplissements spirituels. Cette conversion est théoriquement à portée de synapse de n’importe quel hominidé. Puissent les troubles éprouvants de ce printemps les rendre plus accessibles que jamais. »